RDC/Nord-Kivu: la promotion sportive des femmes connaît un bond avec le Nzango

27 juin 2015

RDC/Nord-Kivu: la promotion sportive des femmes connaît un bond avec le Nzango

Deux équipes de Nzango s'affrontent au stade Matokeo de Butembo. Photo: NURPHOTO (Fiston Mahamba)
Deux équipes de Nzango s’affrontent au stade Matokeo de Butembo. Photo: NURPHOTO (Fiston Mahamba)

Avant l’avènement de ce jeu, les femmes étaient souvent laissées devant l’alternative du travail au champ et de l’oisiveté.

Butembo (RDC)/ Fiston Mahamba Larousse

Longtemps reléguées à des tâches ménagères, dans une zone où sévit la pauvreté et l’insécurité, les femmes du Nord-Kivu (Est de la République Démocratique du Congo) ont décidé de braver les obstacles liées à leur condition en se faisant des adeptes du Nzango, jeu traditionnel pour adolescentes, basé sur des affrontements dansants, devenu sport à part entière.

Il y a seulement quelques années, le sport féminin demeurait, dans le Nord-Kivu, un sujet hautement tabou. Dans la ville de Butembo, dans le Nord de cette province, par exemple, les femmes ne pouvaient aspirer à autre chose qu’au travail dans les champs ou à l’oisiveté.

Le salut est venu de Kinshasa, quand au début de cette décennie, quelques mouvements de migration en direction du Nord-Kivu, dans le cadre de permutations professionnelles, ont fait connaître une activité sportive, par essence, féminine.

Communément connu, en effet, dans les deux-Congo, par sa dénomination vernaculaire de « Kanké », le Nzango n’était, au départ, qu’un jeu pratiqué, la plupart des fois, dans la rue et les cours scolaires, par les jeunes filles.

Aujourd’hui, et depuis sa reconnaissance par les autorités kinoises, en 2008, c’est un sport à part entière. Il réunit des femmes, les aide à échanger leurs expériences, et à prendre part, ensemble, à une activité sportive. « Nous avons accueilli cette innovation avec enthousiasme et avons commencé par sensibiliser certaines femmes intéressées, qui sont venues par la suite rejoindre les clubs de Nzango » déclare à Anadolu, Sakina Bahati, présidente de l’entité sportive de Nzango de Butembo. Jusque là marginalisées dans les pratiques sportives, les femmes de Butembo ont ainsi trouvé une occasion pour s’exprimer à travers la pratique de ce jeu, qui leur rappelle l’enfance. Depuis qu’elle est reconnue par le ministère national des sports et loisirs, la pratique du Nzango n’est ainsi plus limitée aux rues et enceintes scolaires. Même que des règles plus techniques sont venues préciser un cadre, à la base, ludique.

« Le match oppose deux équipes de 11 joueuses, chacune rangées face à face sur un stade dont les mesures varient entre 19 mètres sur 2 mètres ou 18 mètres sur 1 mètre. » détaille Sakina. « L’arbitre se place entre les deux équipes pour donner la main aux équipes. Le point est marqué lorsque la joueuse de l’équipe qui a la main de l’arbitre croise son pied avec celle de l’équipe adverse. Mais pour l’équipe adverse, le point se marque lorsque le pied de sa joueuse décroise celui de la joueuse de l’équipe qui a la main de l’arbitre. Un marqueur est aussi chargé d’inscrire les points sur un tableau » poursuit Sakina en précisant que certains morceaux de chants folkloriques accompagnent les mouvements de pieds et les claques de mains exécutés par les athlètes, pour briser la fatigue.

Au-delà d’un simple entracte censé ramener du défoulement, cette pratique est chargée de significations hautement plus symboliques.«Petit à petit, nous avons constaté une évolution dans les mentalités des habitants. Plusieurs femmes ont adhéré à ce jeu devenu sport, et des hommes commencent à devenir de vrais fans ! Mêmes que certains sont devenus fiers de leurs femmes et ont pour elles plus de considération» témoigne Calypso Kungakunga, conseiller municipal chargé des compétitions de l’entité sportive de Nzango dans cette capitale économique du Nord-Kivu, à Anadolu. « Aujourd’hui les hommes constituent la majeure partie de nos fans et sponsors. Les maris viennent parfois nous applaudir lors de différents matchs. La pratique du Nzango est aussi une occasion pour nous, femmes, de nous épanouir en brisant le stéréotype de la coutume, jadis brandie par les hommes pour priver les femmes de certains droits» témoigne Hortense, joueuse de Nzango, à Anadolu.

«Les femmes sont généralement présentées comme moins fair-play que les hommes. Avec la pratique du Nzango, elles montrent qu’elles sont capables, pour installer une harmonie collective, d’être très cools» avance Desanges, une autre joueuse qui voit plutôt en la pratique de ce jeu-sport une promotion du challenge et de la culture de fair-play féminin.

Venu assister à un match de Nzango, au stade Matokeo de Butembo, Charly affirme à Anadolu que « parfois il est bon de voir le monde sous un autre oeil ». « Assister à un spectacle où une femme est l’acteur principal, c’est l’accepter en tant qu’humain » déclare-t-il, philosophe.

Renchérissant, l’entraîneuse Kaswera Mwenge, appelée « Maman Coach » par ses joueuses, affirme qu’ « à travers ce jeu, les femmes accèdent subrepticement à d’autres opportunités, comme plus de liberté d’expression, face à l’homme, qu’il soit mari, grand frère, ou même fils, la liberté de se réunir, sans beaucoup de tracasseries. Bref, nous avons gagné en dignité ! »

Bien que la ville de Butembo, avec ses cinq clubs de Nzango, ait vu son équipe occuper récemment la deuxième place au niveau du championnat provincial, plusieurs défis restent à relever pour attirer plus de disciples à ce sport, selon Sakina Bahati, présidente de l’entité sportive de Nzango. « Le manque d’infrastructures nous oblige à jouer dans des stades de football, l’insuffisant investissement du ministère des sports dans la promotion du Nzango et l’absence de sponsoring par les entreprises locales restent les obstacles auxquels nous restons confrontées pour la promotion du Nzango » conclut-elle.

Un article de l’Agence de presse Anadolu

Partagez

Commentaires