RDC: Samuel Ikambiro désenclave une cité
Par Fiston Mahamba Larousse à Beni, RDC
Nous quittons la ville de Beni (à 350 kilomètres au nord de Goma) en prenant l’axe routier Beni-Kasindi, la principale voie terrestre reliant la République Démocratique du Congo à l’Asie via l’Afrique de l’est (Ouganda et Kenya). Après une heure de voyage sur une route en terre en cours de réhabilitation suite à son état de délabrement, nous quittons cette route d’intérêt internationale mais abandonnée à son triste sort et prenons la direction du massif de Ruwenzori (la plus haute montagne de la RDC avec 512 milles mètres d’altitude). Ici, le voyage devient aisé. Une piste de desserte agricole construite par l’ONG Agro Action Allemande (AAA) et bien entretenue nous laisse rouler à une vitesse plus rapide.
Après 20 minutes, nous atteignons la cité de Lume, au pied du mont Ruwenzori. Une cité en plein essor grâce à une intense activité agricole dont les principales cultures sont le cacao, la papaïne et le café. Dans cette agglomération, un jeune s’est rendu célèbre. Agé de 21 ans, Samuel Ikambiro est encore sur le bas de l’école. Finaliste en sixième année des humanités secondaire, orientation commerciale informatique, Samuel tire sa notoriété de sa créativité. Il a désenclavé cette cité en y installant une radio locale. Jadis, accéder à l’information était une question de courage : suivre les informations avec un signal brouillé sur les ondes courtes ou escalader des hauteurs en vue de capter les radios émettant sur FM depuis la ville de Beni était la solution. En plus, les nouvelles locales, les annonces, les publicités n’avaient pas la chance d’être inclues dans les programmes de radios diffusant à partir de Beni.
« J’ai constaté que le manque de radio rendait notre milieu plus reculé, malgré son émergence économique avec la culture du cacao. Voilà ce qui m’a poussé à apporter ma part en y implantant quelque chose qui ressemblerait à une radio ».
Faute de moyen et de soutien, ce jeune innovateur a dû faire appel à la technologie locale en usant des matériels disponibles et proportionnels à ses moyens pour monter une radio.
« J’ai monté 4 haut-parleurs au dessus du toit que j’ai relié à un mixeur-amplificateur et à un ordinateur portable pour faire fonctionner la radio » explique-t-il.
Le projet fut en partie parrainé par son grand-frère, Paluku Mbafumoja Paul. Ce dernier qui avait construit une microcentrale hydroélectrique d’une puissance de 10 KVA sur la rivière Mangana (3 kilomètres de la cité) accordant que la radio soit alimenté par l’énergie électrique produite par la microcentrale, qui dessert aussi dix autres ménages abonnés.
Dès son lancement en 2014, la radio devient familière à plus de 32174 habitants que compte la future commune rurale de Lume (selon la nouvelle loi de la territoriale en RDC).
« Elle ne nous exige pas d’équipement particulier pour être captée [poste récepteur] ni encore des piles [accumulateurs. Seule votre attention suffit pour être informé » commente un habitant rencontré au rond point central de Lume.
Avec un programme qui va de 5 heures à 7 heures chaque matin et de 20 heures à 22 heures le soir, la Radio Locale de Lume est devenue un réveil pour certains paysans. Ainsi des communiqués, des annonces publicitaires, des avis, des messages,… inondent la salle de la réception de ce medias local où fonctionne également une charge téléphone publique.
« Ces services payant nous permettent de gagner un peu d’argent en vue de subvenir aux éventuelles pannes de nos matériels, bien que l’objectif poursuivi par la radio reste social » répond Samuel à la question de savoir si son initiative vise un objectif lucratif.
Il fait savoir que parfois la radio émet à des horaires improvisés.
« Quand il ya des annonces nécrologiques, des communiqués en rapport avec la perte d’objets, des messages urgents,… en dehors de nos heures de diffusion, nous sommes dans l’obligation de faire passer le message ».
Les habitants se disent attachés à cette radio vus les multiples services que celle-ci les rend. Ils estiment que les haut-parleurs utilisés par la radio ne font pas du tapage dans la cité, comme c’est le cas d’autres équipements similaires sans un public cible.
« Certaines églises font du tapage toute la nuit ou pendant de séries de journées avec des haut-parleurs, mais cette radio a un programme de diffusion des nouvelles, de la musique,… bien destiné à nous habitants de Lume » indique satisfait Sunday Kambale, enseignant.
« La faible circulation d’engins roulant dans la cité -certains quartiers étant situés sur les collines du massif de Ruenzori- laisse passer le message diffusé par la radio sans interférence » fait remarquer Arnorld Kadunda, taximan.
L’initiative de Samuel emploie actuellement une équipe de six personnes dont deux animateurs et deux techniciens, tous bénévoles. Les deux autres personnes travaillant à la réception et à la charge téléphone étant rémunérées.
Le manque de documents officiels de radiodiffusion ne permet pas à la radio de diffuser l’information. Elle se limite à commenter l’actualité sous forme d’animation, chose que déplore Samuel Ikambiro qui rêve d’installer un émetteur moderne en remplacement de haut-parleurs en vue de mieux servir la population locale et élargir la zone d’émission de sa radio.
«Grace aux recettes que génèrent la centrale hydroélectrique, nous avons lancé un projet d’acquisition d’un émetteur. Dès que nous l’aurons, nous allons nous procurer les documents du ministère de Poste et Télécommunication enfin d’être autorisé à diffuser de l’information au service de nos auditeurs» a-t-il conclu.
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